Fer de lance de la Dreamcast lors du lancement japonais, Virtua Fighter 3 Team Battle est une adaptation très fidèle de l’arcade. Adaptée par Genki, cette conversion n’est pas exempte de reproches mais demeure très plaisante à jouer. En novembre 1998, toutes celles et ceux qui ont pu tâter de la nouvelle console de SEGA en ont pris plein les yeux. Lors de la sortie européenne, en octobre 1999, la baffe fut moins magistrale (Soul Calibur oblige) sans que l’intérêt en pâtisse. Très technique, malgré certaines incohérences (non jouable au stick, les sauts qui réclament de l’entraînement, etc.), il demeure un très bon épisode mais il n’est jamais parvenu à faire l’unanimité.
Avant de s’échouer sur Dreamcast, Virtua Fighter 3 fut LA démonstration technique de SEGA en matière d’arcade. Développé sur la carte Model 3, le hit de la firme de Haneda n’a pourtant pas connu une gestation aisée. Avant même de débarquer sur la console blanche, Virtua Fighter 3 était bel et bien prévu sur Saturn et a connu un parcours plus que chaotique. Retour sur une énigme difficile à vérifier…
Selon plusieurs sources, dont le site Assembler Games, Virtua Fighter 3 a connu une première version sur Saturn en juillet 1998. L’équipe d’AM2, dirigée par Yu Suzuki, en avait plus qu’assez d’entendre parler de la puissance graphique de la PlayStation. Malgré l’arrivée prochaine de la nouvelle console, Yu Suzuki craignait qu’un jeu de 1996 (date de sortie en arcade de Virtua Fighter 3) paraisse totalement dépassé. Son idée était plutôt de fournir un Virtua Fighter 4 sur Dreamcast. A cette époque, le prototype de Shenmue était en préparation (d’abord sur Saturn, avant de passer à la génération supérieure) et Yu Suzuki voulait faire de Virtua Fighter 3 le dernier très grand jeu de la Saturn. Mais l’histoire en a voulu autrement…
Après des semaines de travail, l’AM2 est parvenue à réaliser une version de Virtua Fighter 3 affichant pas moins de 500.000 polygones, le tout tournant à 30 images/seconde. En contrepartie, les décors manquaient énormément de détails et se rapprochaient du niveau du désert dans Fighters Megamix. Quelques semaines plus tard, une seconde « build » a vu le jour. On raconte même que l’utilisation du processeur sonore de la Saturn permettait de faire tourner cette « build » de Virtua Fighter 3 à 750.000 polygones. L’astuce consistait à utiliser la puissance de ce dernier (en contournant sa fonction principale) pour exploiter plus de formes géométriques. A ce stade, la résolution reste standard (320×224) et n’atteint donc pas la précision d’un Virtua Fighter 2. L’AM2 va même jusqu’à imaginer une cartouche « upgrade » permettant de booster les capacités de la Saturn. Le hic, c’est le prix envisagé : près de 5 000 francs selon les bruits de couloir, soit dans les 700 euros.
Le master de Saturn Virtua Fighter 3 (appelé comme ça afin d’éviter la confusion avec le portage de Virtua Fighter 3 sur Dreamcast, via la société nippone Genki) a été envoyé à l’usine de pressage pour une sortie prévue le 5 septembre 1998. Mais, au tout dernier moment, SEGA a décidé d’annuler le titre sur Saturn. Une note interne a ainsi circulé le 17 septembre 1998, rendant fou furieux les programmeurs de l’AM2. Sentant le vent tourner, Yu Suzuki décida de présenter la version Saturn de Virtua Fighter 3 à certaines personnes, dont quelques journalistes. Au fond de lui, il savait pertinemment que le jeu ne serait jamais montré via les canaux officiels. Et il avait raison : en 2013, rares sont les personnes à avoir pu découvrir ces deux fameuses « builds » du jeu Saturn. On raconte d’ailleurs que le jeu a été montré en « behind closed doors » lors de l’ECTS et du Tokyo Game Show de 1998. Et bien que Yu Suzuki s’est focalisé par la suite sur Shenmue, il a dû digérer le coup terrible porté par sa direction. Après des semaines d’efforts et d’exploits réalisés sur Saturn, les hautes instances de SEGA ont choisi de privilégier le boulot effectué par Genki pour leur donner définitivement les clés de la conversion sur Dreamcast. Et forcément, quand on sait tout le dur labeur réalisé par l’AM2, on se dit que l’inexpérience de Genki n’était peut-être pas la meilleure solution. Le jeu reste bon, c’est indéniable mais il aurait été probablement supérieur à l’arcade si c’est l’AM2 qui avait mis les mains dans le cambouis. On se rappelle des jointures perfectibles de Virtua Fighter 3 Team Battle sur Dreamcast.
C’est tout de même étonnant cette faculté qu’avait SEGA à se foutre des bâtons dans les roues, au sein de ses propres équipes. Quoiqu’il en soit, deux versions de Virtua Fighter 3, développées spécialement pour la Saturn, sommeillent quelque part dans les locaux de Haneda. Est-ce qu’on les découvrira un jour ? Rien n’est moins sûr.
28 août 2015 at 14:24
Quel dommage quand même, car un court extrait de VF3 était visible en vidéo sur un cd de démo Saturn et ça me faisait saliver bien que ce soit effectivement nettement inférieur à la version arcade.
5 septembre 2015 at 17:10
J’adorerais voir cette version Saturn tourner … après je peux comprendre le choix de Sega qui voulait se réserver la version Dreamcast pour avoir un jeu important au lancement de sa console afin d’en justifier l’achat. Par contre en 1999 le jeu aurait pu sortir sur Saturn pour finir en beauté. Si Sega possède toujours cette version de ce jeu ça serait sympa de leur part d’au moins nous le montrer 🙂