– Article rédigé initialement par Molokh –

S’il y a bien un jeu japonais sur Dreamcast que l’on peut considérer comme culte et OVNI, c’est bien SEGAGAGA (aka SGGG). En effet quelle éditeur vidéo ludique aurait l’idée de tourner son ultime échec en dérision et proposer une simulation de sauvetage de son entreprise ? L’idée est excellente, mais quid du contenu et du gameplay ?

SEGA au pays des merveilles

Le scénario est connu de tous les fans de la Dreamcast tellement il est culte. C’est à vous, petit bleu membre de l’unité SEGAGAGA, de sauver l’entreprise SEGA et récupérer les parts de marché détenues à 91% par Dogma Corporation. Personne ne sera dupe, c’est bien la personnification de Sony dans le jeu. Vous n’êtes heureusement pas seul car une jeune demoiselle au caractère bien trempé est votre associée. Petite intro qui sert de visite guidée de l’usine SEGA et c’est parti !

Pour sauver la firme pas la peine de se mettre la tête dans le guidon comme on dit, il vous faut des escla… pardon des programmeurs, des designers et des directeurs de projet. Le problème c’est que tout ce petit monde vit maintenant dans un bloc condamné et livré à lui-même. Votre tâche : pénétrer à l’intérieur et sermonner tout le monde pour les ramener dans le droit chemin ! Et oui, la direction a perdu le contrôle et le personnel à l’intérieur du bloc n’en fait vraiment qu’à sa tête ! Et ça tourne souvent à l’absurde…

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Un monde sans queue ni tête… mais quelles têtes ! (ou la partie RPG)

La première fois que vous pénétrez dans le bloc A vous arrivez dans un autre monde. Les décors sont en 3D mais tous les personnages prennent une forme 2D, le héros y compris. C’est donc sous la forme d’un sprite tout plat que vous évoluerez dans les « donjons ».

Les rencontres sont aléatoires et lors des scènes de combat votre arme ne sera pas une épée, il serait bête de tuer les programmeurs avant de les exploiter, mais la parole. A vous de casser votre adversaire pour gagner. Chaque phrase assassine (« t’as pas de copine », « lave-toi de temps en temps », etc…) est accompagnée de dommages, et une fois l’adversaire remis dans le droit chemin il s’en ira, tout piteux, il vous rejoindra bien sagement sans poser de question, ou il ouvrira les négociations. Vous devrez alors le caresser dans le sens du poil pour lui plaire et négocier son salaire. Comme le développement d’un jeu coûte de l’argent, il faut faire attention et ne pas distribuer les yens comme on lance le riz à un mariage, surtout au tout début du jeu.

Heureusement les donjons ne sont pas vides comme dans un Final Fantasy « old school ». Ils sont peuplés par les employés et certains ont un design complètement délirant. Beaucoup d’entre eux ont basculé vers le côté sombre des jeux vidéo et affichent des chara-design en 2D très folkloriques. Mention spéciale à la bouteille de vin, au virus et aux karatékas fans de jeux de baston 2D. Ce sont les interactions avec ces personnages qui vous permettront de remettre les choses en ordre. Chaque bloc libéré marque la fin d’un chapitre (la plupart du temps) et l’avancée de l’histoire.

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Avance esclave ! (ou la partie simulation).

Une fois le bloc A ramené dans le droit chemin et les programmeurs recrutés, vient le moment de la partie simulation. Chaque bloc libéré peut ainsi servir de studio de développement. Une équipe de développement est composée au maximum d’un directeur (vous pouvez d’ailleurs recruter « Suzuki » qui n’est autre que « LE » Yu Suzuki que tout le monde connaît), de trois designers et de trois programmeurs.

Pour chaque développement mis en route vous aurez un pourcentage de progrès du développement (à 100% le jeu est près à sortir, même si vous pouvez le commercialiser un peu avant qu’il ne soit complété), un pourcentage d’attente/intérêt des joueurs pour ce jeu, et un pourcentage pour le niveau d’équipement. Vous pouvez aussi utiliser des items, donner des ordres pour pousser vos programmeurs à fond ou leur dire de se reposer.

Certains évènements aléatoires, positifs ou négatifs, ont lieu pendant le développement. Ainsi un membre de l’équipe peut soudainement devenir hyperactif, ou un bug peut se produire à un moment critique, à vous de réagir !

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Concernant les caractéristiques des personnages eux-mêmes, il y a de nombreux paramètres comme le type de personnalité, la forme physique, la motivation, le talent et l’humeur; les ordres influeront sur ces caractéristiques. L’ordre « travaille plus (fainéant) » augmentera la motivation et le talent mais fera baisser l’humeur etc… Si vous êtes un bourreau comme moi alors il est possible que certains programmeurs décèdent… pour de rire bien sûr ! A vous donc de bien les choisir dans la partie RPG en fonction de leurs caractéristiques. Ceci dit, il est préférable d’utiliser des items achetés par vos soins plutôt que les ordres. Mais attention à leur utilisation car certains n’ont d’effet que sur un certain type de personne. L’Otaku sera motivé par une figurine d’héroïne d’anime alors qu’un personnage charismatique deviendra hyperactif si on lui donne le numéro de téléphone d’une jolie fille (si, si c’est un item… et il fait beaucoup d’effet à Yu Suzuki !)

Il faudra aussi faire de la pub pour augmenter l’intérêt des joueurs pour le jeu, et aussi acheter du matériel pour augmenter les possibilités de programmation (cinématiques etc…) et l’efficacité des programmeurs.

En cours de développement un journaliste vous rendra visite pour vous demander la date de sortie de votre prochain jeu. A vous de l’envoyer paître ou de lui répondre. Dans le deuxième cas attention à respecter la date, sans quoi le jeu se vendra moins !

A la fin de chaque développement vient la vente et les résultats : chiffres de vente, bénéfices et évolution des parts de marché. Vos parts de marché peuvent diminuer pendant les phases de simulation ou de RPG car Son… euh pardon la corporation Dogma, ne vous attendra pas pour sortir ses propres jeux.

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On se fait un SEGAGAGA les gars ?

Le maître-mot de ce SEGAGAGA sont assurément « clins d’œil », « parodie » et « autodérision ». Je sais, ça fait trois mots, mais que voulez-vous ce sont ceux qui définissent le mieux ce jeu, l’équation parfaite qui décrit son ambiance. C’est cette ambiance qui fait tout son intérêt et qui motivera votre progression. « Quel va être la caractéristique du prochain bloc ? », « Quel nouveau jeu mon équipe va développer ? ». On ne sait jamais ce qui va advenir la première fois que l’on y joue et on est jamais déçu tellement l’histoire est originale et bien pensée.

Une ambiance d’ailleurs 100% encrée dans l’univers de SEGA, avec les consoles et les jeux à développer (quel joie d’avoir réussi à développer Bare Knuckle sur Megadrive !) et l’univers des otakus avec le « moé », les figurines, le quartier d’Akibahara et les développeurs forcément à fond dans leur « trip ». Les répliques des personnages pendant les combats sont vraiment désopilantes, et les situations de la partie RPG délirantes. Difficile d’en parler sans spoiler l’intrigue mais ça vaut le déplacement.

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Le jeu est bien sûr truffé de références à SEGA. Des vidéos faites avec des marionnettes devant l’entreprise elle-même donnent quelques précisions, forcément délirantes sur son histoire, la raison de son emplacement etc… Sans parler des jeux que vous pourrez créer, au nombre de 104 sur des supports comme la SC-3000, la SG-1000, la Master System, la Megadrive, le Mega CD, la Gamegear, la Saturn et la Dreamcast (en plus d’un faux jeu). A noter que suivant le directeur de projet, les jeux que vous pouvez développer changent. Pour développer sur les supports les plus puissants il vous faudra acheter du matériel et investir plus d’argent dans le développement lors des phases de Beta test et d’Alpha Test, quitte à recommencer le développement en partie ou en totalité.

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Il ne faut bien sûr pas oublier la musique, qui est parfaitement adaptée à chaque situation et propose des morceaux assez variés et inspirés par les différentes références du jeu. De la musique de jeu de drague lors des phases de gestion, aux musiques du bloc A très typées « ascenseur », des bruitages de 8 bits, en passant par des musiques façon « anime » lors de passages « moé » dans certains blocs, elles remplissent bien leur rôle de fond sonore. Au contraire, la musique d’introduction composée par Testu Okano « himself » est un véritable hymne entêtant qui donne envie de descendre dans la rue et de défiler à la gloire de SEGA… mais je m’égare…

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Radio GAGA ou Lady GAGA ?

Le jeu est vraiment plaisant. Il tourne bien, il se laisse jouer sans loadings abusifs. Il est possible de zapper les rencontres aléatoires (lorsqu’on court il n’y a pas de rencontre), ce qui rend le gameplay plus confortable. La partie simulation est assez motivante et parlera particulièrement aux fans de SEGA de longue date. Quel plaisir de développer des classiques de la firme au hérisson bleu ! De plus, une fois les mécanismes assimilés on obtient suffisamment d’argent pour créer de véritables superproductions. Attention tout de même… il est possible de perdre facilement au tout début du jeu. Évitez de développer deux jeux en même temps ou vous risquez de perdre rapidement. Il faudra alors tout recommencer depuis le début si vous n’avez pas fait de sauvegarde, ce qui peut être long.

La partie RPG a été développée en fonction de la replay value. Elle est volontairement simplifiée pour éviter d’être trop pesante pour les joueurs acharnés, ceux qui voudront tout voir et tout avoir. En cherchant à recruter des programmeurs vous gagnerez assez vite des niveaux et de l’argent pour acheter des items. Pas besoin donc de retourner 100 fois dans un bloc pour faire de l’XP… et ça, c’est bonheur ! En plus de cela, le niveau nécessaire pour pénétrer dans certaines pièces est indiqué. Ainsi pas de mauvaise surprise et on évite de mourir en avançant trop rapidement vers des zones peuplées de monstres, pardon, de programmeurs surpuissants. Là aussi l’intention et de ne pas frustrer le joueur qui, à chaque fois qu’il perd dans un donjon, est obligé de passer en quarantaine et perd ainsi 30 jours dans le jeu.

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SEGAGAGA c’est plus gaga que toi !

Le retrait de SEGA du marché du hardware et sûrement le plus grand traumatisme de toute l’histoire des consoles de jeux vidéo. Tetsu Okano en créant SEGAGAGA nous offre le plus incroyable des cadeaux : la possibilité de réécrire l’histoire en nous plongeant dans un monde parallèle. Ce jeu est un ovni, un cadeau aux SEGA fans qui trouveront là une mine d’or et leur permettra de tromper leur déception en sauvant virtuellement une entreprise chère à nos cœurs, vaincue en essayant jusqu’à la fin de nous divertir sans regarder à la dépense.

C’est certain le soft, même s’il ne fera pas chauffer à blanc votre Dreamcast (de toute façon ça ne se verrait pas, elle est déjà blanche), est très agréable à jouer. La partie RPG restant volontairement assez simple/linéaire et l’histoire sait rester intéressante, originale et variée. La partie simulation donne envie de rejouer encore et encore pour développer de nouveaux jeux et compléter la collection à 100% (hardcore gamer, si tu m’entends !). Les programmeurs de SEGA-AM3, rebaptisé, sans modestie mais avec lucidité, « Hitmaker », ont fait un travail fabuleux. Quelque soit le résultat, on a une fin souvent drôle, et comme chaque partie vous permet de saisir toujours un peu plus les subtilités du gameplay, on gravit petit à petit les échelons, toujours avec plaisir.

Si vous ne devez faire qu’un jeu de simulation-RPG sur Dreamcast en japonais, même sans comprendre la langue, c’est bien celui-là ! Les références à l’univers des productions SEGA, l’humour, l’originalité, la variété des situations et le fun sont les raisons qui font de ce jeu un must que tout hardcore gamer doit posséder et faire. S’il faut souffrir pour être beau, il faut aussi souffrir quand on est fan de SEGA !

Pour vous aider, Sega Legacy pour propose de suivre le guide pas à pas du jeu : Guide de Segagaga. Vous y trouverez des indications pour avancer dans la partie RPG et mieux comprendre la partie simulation.

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