La fin de la Dreamcast n’a heureusement pas marqué la fin de SEGA, en tout cas pas sa disparition. C’est sûr la transition ne s’est pas fait sans mal. Mais même si certains sont plutôt déçus par la tournure que prend les choses, je fais partie de ceux qui pensent que le Sega d’après la Dreamcast, à défaut de nous écouter, nous propose toujours des jeux de qualité. SEGA après la Dreamcast est une nouvelle série d’articles qui parle de ces jeux que SEGA a conçu ou produit et qui valent le détour. Pour ce premier épisode je vais m’attaquer au dernier épisode en date d’une série tout a fait particulière : Sakura Taisen.

C’est vrai que je suis resté longtemps sans jouer à ce Sakura Taisen V. 10 ans, c’est à peu près le temps qu’il m’a fallu pour m’y mettre sérieusement. Pourtant je suis fan de cette série dont j’ai découvert les trois premiers épisodes dans leur version Dreamcast. Mais même si j’ai apprécié le quatrième épisode et attendait avec impatience ce dernier volet, à sa sortie il m’a laissé plutôt dubitatif. Pas moyen pour moi d’accepter le changement de héros…

Petit récapitulatif

Pourtant tout cela était prévu. Le quatrième volet, conçu au départ comme un épisode à part entière, s’est vu finalement grandement raccourci pour cause de Dreamcast en fin de vie. Malgré tout Overworks, roi du RPG sur la console avec à son actif Skies of Arcadia et Sakura Taisen 3, a fait son maximum pour partir en beauté. Même si le contenu n’est pas au rendez-vous, l’aspect technique n’a pas été laissé de côté. Pour marquer la fin d’une ère chez Sega, les producteurs avait bien précisé que Sakura Taisen 4 serait le dernier de la série avec pour héros Ichirô Ôgami (proche de Ôkami, loup en japonais) à la tête de la division fleur d’assaut impériale. Le 4ème épisode sert donc de courte conclusion.

Les crocs du loup vs les griffes du tigre

Quelques années plus tard la relève est assurée par son jeune neveu, Shinjirô Taiga (se prononce littéralement comme tigre en japonais) ! Et voilà où je veux en venir… Pourquoi diable avoir mis un gringalet comme chef de division d’assaut ?! Pas la peine d’en faire tout un plat me direz-vous. Mais de mon point de vue, mise à part pour amener des jeunes joueurs à s’identifier au héros et ainsi élargir la clientèle de la série et lui assurer une pérennité financière (en résumé : pour gagner de l’argent), je ne vois pas l’intérêt de ce nouveau héros…

Autant le prendre au second degré alors. L’inconvénient c’est que ça ne tient plus vraiment debout et de voir un avorton faire le héros et prendre dans ses bras de jeunes femmes qui semblent être 10 ans plus âgées, ça donne même un côté ridicule à certaines scènes que la série avait réussie à éviter jusqu’à maintenant.

Des productions annexes pas forcément à la hauteur

Autre soucis lié à ce 5ème épisode… En guise d’introduction, SEGA a sorti une pré-quel, Sakura Taisen V Episode 0. Si les fans pourront toujours lui trouver un intérêt, il vaut mieux faire très attention et ne pas se tromper si vous achetez le 5 ! Cet épisode 0 est en effet un bel étron à éviter, car bien en dessous de la qualité générale de la série.

Enfin, les productions IG, responsables des cinématiques des jeux, ont sorti un film qui sert d’introduction et de lien avec le 5ème épisode et le 5 épisode 0. Même si la réalisation est de grande qualité je ne l’ai pas trouvé exceptionnel car Il lui manque cet humour omniprésent dans les jeux qui font tout le charme de la série à mes yeux.

C’est bon, c’est bon, je me calme… Passons au jeu en lui-même.

It’s showtime !

Un Sakura Taisen, c’est exactement la même chose qu’un bon film d’action américain, le scénario est cousu de fils blancs (c’est discutable) mais les scènes d’action vous laissent tétanisé, agonisant dans votre canap’…

Bon c’est un peu exagéré mais ça vous donne une idée des forces et faiblesses de la série. Entre ces ennemis, fruits des amours de dangereux zoophiles avec toutes sortes d’animaux, la compagnie de femmes à la fois guerrières et actrices de comédies musicales, les méchas marchant à la vapeur entretenus par un vieux maître chinois chef-mécano, vous comprendrez que tout cela ne tient pas vraiment debout.

L’anime dont vous êtes le héros

Pourtant quand on se laisse embarquer et qu’on accepte ces bizarreries, quel bonheur ! En effet, quel plaisir de regarder ses cinématiques à la Goldorak où tous les déplacements se font en glissant dans un réseau de tuyaux sous-terrain ! Quelle joie de séduire ses équipières plus ou moins réticentes avec le juste choix de répliques ! Quelle extase de surprendre les héroïnes dans des scènes de bains pleines d’érotisme ! Et que dire des combats tactiques en 3D temps réel et des attaques des héros pleines de dynamisme et de rage ?!

C’est dans les vieux pots que l’on fait les meilleures soupes

En jouant à Sakura Taisen V j’ai retrouvé ce qui m’a fait apprécier les séries de robots et l’animation en général. Les héros et héroïnes rugissent lorsqu’ils lancent une attaque, les super attaques sont de véritables feux d’artifices qui explosent dans un hurlement de feu et d’acier, et le sentiment exacerbé de se battre pour la justice à bord de machines surpuissantes, dernier cri de la technologie est exaltant !

Tous ces éléments hétérogènes sont liés par le rythme de la narration qui est le même que celui des séries animés. Chaque chapitre fait office d’épisode avec un début qui pose le thème, un développement qui mène au combat en deux temps, carte + boss, et une conclusion suivi d’un teaser du chapitre suivant. Sakura Taisen est finalement un animé interactif dont vous êtes le héros.

La classe américaine

Heureusement que les préjugés même s’ils ont la vie dure finissent par disparaître, car 10 ans après sa sortie et faute d’autre Sakura Taisen à me mettre sous la dent, je me suis enfin mis au dernier épisode en date… Pour mon plus grand plaisir ! Même s’il n’est pas parfait et qu’il n’est pas le meilleur épisode à mes yeux, il a de nombreuses qualités.

Premier point positif, c’est un Sakura Taisen ! Oui bon c’est évident mais dès les premières heures de jeu j’ai retrouvé avec plaisir cette série que j’apprécie tant. Le jeu reste classique, on y retrouve tous les éléments traditionnels de la série qui font mouche, mais les développeurs ont apporté quelques nouveautés qui apporte suffisamment de sang frais à cette épisode pour le rendre intéressant. Mais je reviendrai sur ce point plus tard.

Une première dans l’histoire de la série

Deuxième point positif et pas des moindres, le jeu est disponible en anglais ! (ouais !!!) sur PS2 (US) et Wii… (ouuuhhh !!!). Mais c’est tout de même une grande première qui permettra aux curieux qui souhaitaient s’essayer à la série de franchir le pas. Rien que pour ça le jeu en vaut la chandelle, et cet épisode, qui peut être abordé comme un hors-série sans avoir le regret de ne pas avoir fait les précédents, était le candidat idéal à la traduction.

Troisième point positif, on retrouve la qualité générale des autres épisodes. Techniquement égal aux 2 précédents chapitres sur Dreamcast, on retrouve la qualité d’écriture et de mise en scène de la série. Une fois dans le jeu on retrouve tout ce qui fait le charme de la licence : l’humour, les situations improbables, le passé tourmenté de nos équipières, les robots steampunk… En plus j’ai trouvé que le design des vilains de cet épisode est particulièrement classe et réussi.

Technique et innovations au rendez-vous

Et enfin, comme je l’ai dit précédemment, le jeu ne se repose pas sur ses lauriers et innove. Les phases de balade dans des petites maps, mignonnes mais exiguës, font place à des phases en 3D pré-calculées plus dans l’air du temps. Autre innovation bienvenue : pendant les phases de dialogue/drague, certaines actions s’effectuent en manipulant les tétons/sticks analogiques, souvent tous les deux en même temps et il faut bien souvent les torturer le plus rapidement possible pour obtenir les meilleurs résultats…

Mais la grosse innovation de ce cinquième volet reste les phases où votre Kobu (nom des robots) se transforme en avion et vous permet d’attaquer des boss aériens en leur tournant autour. Des phases qui ne sont pas sans rappeler Panzer Dragon à certains. Personnellement les bruitages de certaines attaques en mode aérien sont des copier-coller des bruits de canon de Skies of Arcadia. Au moins ces phases sembleront familières aux Sega-fans.

Des faiblesses techniques dues au hardware

Seule ombre au tableau, le rendu 3D des arrière-plans est complètement flou. Mais qui est plus un soucis technique général sur PS2 dont l’anti-aliasing est difficile a utiliser. Sony, malgré l’image de société à la pointe qu’il véhicule, n’a bizarrement pas été capable de nous fournir une machine capable d’un rendu visuel de la 3D digne de ce nom. Entre la PS1 et sa 3D gélatineuse et la PS2 avec sa 3D trouble comme un Pastis noyé dans l’eau (l’abus d’alcool est dangereux pour la santé), les débuts ont été particulièrement difficile techniquement pour la firme. Ajoutez-lui un cable component dont le signal est sujet au bruit et vous avez un rendu 3D sur écran plat à peine meilleur que la Wii sur TV HD ou la N64 sur CRT.

Face au flou constant de pixel de la 3D made in PS2 qui pousserait n’importe quel pilote de chasse à prendre rendez-vous sur le champ avec un ophtalmo. Je ne peux m’empêcher de verser une larme quand je vois l’affichage VGA précis et aiguisé comme une lame Wilkinson de ma Dreamcast chérie. Dès que l’on regarde un peu ce qui se passe au second plan dans les décors en 3D c’est flagrant. PS2 sur écran HD ? Il vaut mieux oublier pour les jeux 3D.

La suite au prochain épisode ?

L’histoire m’a paru un peu courte mais le jeu réserve tout de même une petite trentaine d’heure de jeu. Ça peut sembler un peu court mais ce n’est pas vraiment un soucis quand on connaît la replay value des épisodes de la série. En effet avec ces 5 fins différentes (une par héroïne) et sa fin cachée (celle de Rachet Altair) disponible uniquement une fois le jeu terminé une première fois, vous avez de quoi faire. Pour les plus coquins le but sera de découvrir toutes les scènes de bains qui vous laissent toujours le choix entre vous rincer l’oeil copieusement (avec un gros malus à la clé avec l’héroïne concernée) ou jouer les gentlemans en ne profitant pas de la situation.

Garder ce dernier épisode de côté m’a permis de redécouvrir à nouveau cette série, des années après avoir fini les épisodes précédents, pour mon plus grand plaisir ! D’autant plus que SEGA ne montre pas de signe de vouloir produire une suite, même sur smartphone… C’est dire. Si vous avez envie de faire un Sakura Taisen et que l’anglais ne vous fait pas peur, alors faîtes-vous plaisir si ce n’est pas encore fait ! C’est l’occasion de tester l’une des grandes licences de SEGA qui est restée dans l’ombre du Japon pendant de nombreuses années. Pour les plus acharnés que la langue de Sôseki ne fait pas flancher, je ne saurais trop conseiller de faire le troisième volet en japonais en plus de celui-ci car il est encore un cran au dessus.


La naissance de la série Sakura Taisen

 En 1994 la direction de SEGA souhaitait un RPG pour élargir la ludothèque de la Saturn. Le vice-président de l’époque est Shôichiro Irimajiri. Doué d’un flair certain, il deviendra président de SEGA quelques années plus tard et sera l’instigateur de cette politique de liberté laissée aux développeurs qui donnera à la ludothèque de la Dreamcast tout son poids. Malheureusement trois années successives de déficit l’obligeront à démissionner. Mais revenons en 94 : pour le projet de nouveau RPG, M.Irimajiri pense tout de suite à Ôji Hiroi, créateur de la série Tengai Makyô chez Red Company.

 

Ôji n’étant pas vraiment intéressé au début, mais M.Irimajiri ne lâche pas prise et le suit jusque sur son lieu de vacances, l’île de Guam, pour le convaincre. Devant tant d’insistance, Ôji finit par céder et lance l’idée de jeunes filles en uniforme faisant le salut militaire. Le projet était enfin lancé, mais bientôt les retards s’accumulent.

Le chara design est confié à Kosuke Fujishima (Ah my Goddess) qui ne livrera le fruit de son travail que le 31 décembre 1994. Il laisse ainsi l’équipe pendant un long moment dans le flou quand à l’aspect général du jeu. De même la partie technique mit un certain temps avant de prendre forme. Si l’idée du tactical RPG est venu rapidement à Ôji en regardant son équipe jouer à un jeu de plateau, la réalisation traîne. C’est en 1995 que le système de jeu, pédalant dans la semoule, est confié à par SEGA Noriyoshi Ôba. Il refond complètement le système de jeu pour en faire la version finale que nous connaissons. C’est en septembre 1996, après presque deux ans de travail, que la version finale est mise sur les étagères. Pour peu de temps, ceci dit, car les gamers font la queue à Akihabara pour obtenir leur copie.

Noriyoshi Ôba

Noriyoshi Ôba

Sakura Taisen dans l’esprit d’Ôji n’était pas destiné uniquement au marché du jeu vidéo. Pour trouver la voix des personnages du jeu, il ne s’adresse pas aux habitués des productions d’anime et jeux vidéo de l’époque. Il va chercher plutôt les chercher dans les salles de concerts et cabarets. Son idée était de créer une comédie musicale, à l’image de celles jouées par les héroïnes du jeu. Faisant suite à la sortie du soft, la comédie musicale Sakura Taisen fait un carton. Il faut dire qu’en plus du casting vocale pour le moins réussi, la musique composée par Kouhei Tanaka, une figure incontournable de la musique d’anime, est imparable.