Quand on la chance comme moi d’avoir commencé sa carrière de joueur avec le formidable Amstrad CPC (464 qui plus est) on ne peut poursuivre sa vie sans en garder quelques séquelles. Les souvenirs de cet écran bleu roi et de cette police jaune canari serrent mon petit cœur aussi sûrement que l’évocation d’un premier béguin de maternelle. Si la Megadrive a été ma toute première console, c’est bien le micro-ordinateur de Mr Sugar qui m’a fait découvrir le monde des jeux vidéo des heures durant sur des titres plus ou moins obscurs. Une fois sauté le pas avec la machine de Sega, difficile de revenir en arrière. Pourtant, c’est ce que je vous propose de faire aujourd’hui en passant en revue trois titres Sega mythiques ayant déjà fait leurs preuves en arcade et sur la célèbre 16bits, trois titres issus de l’esprit tortueux mais brillant de Makoto Uchida, trois titres au travers de leur adaptation sur l’antique Amstrad CPC !

Commençons par le commencement avec Altered Beast, dont les slips ajustés et la bestialité non refoulée de ses héros ont fait couler beaucoup de salive parmi nous récemment. L’arcade a donné suite à nombre de versions sur divers supports, dont bien évidemment la version Megadrive, soit le premier jeu livré avec la console lors de ses sorties européennes et américaines. Mais ne vous inquiétez pas bande de petits fripons, je ne perds pas le fil directeur et c’est bien de la spectaculaire version CPC dont je vais vous parler dès maintenant.

L’adaptation est confiée à Activision, le jeu sort en 1989, et quand on parle de spectaculaire, ce n’est pas peu dire. D’abord, et pour être tout à fait honnête, l’intro en jette. Oui. La musique est très bien rendue (d’ailleurs au cours du jeu elle le sera toujours même si les thèmes ont étrangement été déplacés selon les niveaux où ils apparaissaient à l’origine), on a droit à une chouette présentation avec l’apparition du titre, les pupilles du héros qui nous scrutent à travers l’écran comme sur l’arcade, bref, l’ambiance est posée immédiatement et le joueur patient (car il avait dû l’être sur 464 en raison de temps de chargements interminables quand on joue sur cassette) finit par vouloir se lancer dans l’action.

Et c’est là qu’arrive la tragédie grecque, et là, Zeus lui-même n’y est pour rien.
L’animation est la première chose qui frappe le joueur, avant même le premier ennemi ! Avec des graphismes confus et même baveux, au sein d’une minuscule fenêtre de jeu, se déroule l’odieux spectacle de notre pauvre centurion trépassé qui glisse lamentablement à travers des tableaux au scrolling incroyablement poussif, animé grossièrement, tentant vainement de repousser des vagues d’ennemis à la hit-box imprécise au possible à l’aide de commandes impraticables. Il n’y a qu’une touche d’action, et si on désire choisir entre coup de poing et coup de pied, il faut donner une direction au personnage. Autant dire qu’en plein combat, c’est impossible. Si en plus on tente le diable en essayant des coups sautés, c’est la santé mentale du joueur qui en prend un coup. Il faut réussir à dompter l’inertie, prévoir tous les coups PLUSIEURS secondes avant le bon moment et s’armer de la patience d’un ange pour avancer dans le jeu.
Passer au-delà des deux premiers niveaux est déjà un challenge, inutile d’espérer sauver Athéna dans ces conditions, autant le dire. Les transformations en loup-garou, dragon, etc, ont bien-sûr et heureusement été conservées, mais il faudra être plus que de bonne volonté pour en éprouver le moindre plaisir.
Bref, une version justement décriée par mon cher Amstrad 100% à l’époque, qui n’a d’intérêt que pour les fans curieux ou les masos en slips, choisissez votre camp.

Diantre !

Bon, imaginons que nous ayons devant nous quelques dizaines de minutes à tuer, la vaisselle à faire, un sermon à rédiger, une maquette de la Sagrada Familia à monter, l’intégrale des Feux de l’Amour à se revoir, et bien ça nous laissera le temps de lancer le second jeu : j’ai nommé le légendaire Golden Axe !
Cette fois ci, c’est Virgin qui se colle à l’adaptation du titre et gageons qu’on ne retombera pas sur une nouvelle horreur sans nom, nous sommes cette fois en 1990, l’Amstrad CPC arrive en bout de course.

Une fois encore, au niveau présentation, l’effort est à saluer. La musique n’est pas mal du tout (selon les critères de la machine évidemment), on a droit à un bel écran titre, une jolie sélection des personnages et même le petit parchemin qui narre les aventures de nos trois héros au fur et à mesure du jeu (mais si, vous savez, avec la petite plume qui trace les mots et tout). Visuellement, le jeu est encore une fois fenêtré, mais on avait pris l’habitude sur cette machine, et si les graphismes ne sont pas très détailles (ils ne le sont pas du tout en fait), le choix des couleurs, très vives, est judicieux et parvient à retranscrire assez correctement l’esprit du jeu original.
Le fait de pouvoir choisir son héros, (et on peut jouer à deux) qui disposera de sa propre forme de magie pour anéantir les ennemis les plus coriaces est louable et on se lance joyeusement dans l’empoignade…avant de déchanter un peu.

Si ce n’est pas aussi dramatique que pour Altered Beast, la jouabilité est encore une fois loin d’être exemplaire. L’effet de profondeur caractéristique de Golden Axe nuit ici complètement au plaisir du jeu, car se trouver sur la ligne exacte d’un adversaire est assez difficile quoique nécessaire pour mener les combats à une issue heureuse et parfois, on hésite même à savoir si on est en train de monter dans l’écran ou si on vient tout bêtement de sauter. Par ailleurs, et comme pour le jeu précédent, il faut maintenir une direction et appuyer sur le bouton de tir pour effectuer les différentes attaques ce qui, avec une inertie encore présente, fait qu’on a plutôt tendance à bouger n’importe comment dans tous les sens et à frapper à l’aveuglette que de se battre vaillamment. Néanmoins, on n’est plus ici dans un ratage total, et le goût de la découverte permettait quand même de trouver la motivation à avancer. Golden Axe sur CPC est une autre curiosité, loin d’être une réussite (mais qui s’y attendrait sincèrement), mais tout aussi loin d’être l’abomination infâme qu’on aurait pu imaginer. L’adaptation souffre des limites de son support mais le soin qui y a été apporté est évident.

Soufflons encore quelques minutes, allons faire un tour de vélo à Conforama, courir un semi-marathon ou appelons le service client de notre fournisseur d’accès pendant que charge notre dernier jeu d’aujourd’hui, j’ai nommé Alien Storm.

Converti par l’historique adaptateur des jeux Sega sur Amstrad, à savoir US Gold et paru en 1991, Alien Storm CPC vous invite à repousser les hideux envahisseurs par écran interposé.
Après la présentation plus sommaire (mais avec la reprise de l’effet spécial de l’écran titre) et le choix (chouette !) entre les trois personnages (le mec ressemble à Elvis d’ailleurs dans toutes les versions) on est prêt à blaster de l’Alien dégueulasse !

Cette fois, graphiquement c’est plus sommaire que pour Golden Axe, et aussi plus lisible. Et, si l’animation n’est pas spectaculaire, on peut désormais savoir exactement ce qu’on fait. Même si ce n’est pas de toute beauté, on reconnaît très bien les différents sprites ainsi que le design absolument surréaliste des monstres.  Alors que sur les supports originaux, Alien Storm est le jeu que j’aime le moins, il semble bien que ce soit le plus réussi des trois sur CPC. L’action respecte en tous points celle de ses grands frères avec les phases de beat ‘em up, de course poursuite et surtout de shoot à la première personne ! On peine à croire que le CPC ait été capable de gérer ces trois types de gameplay sur une même cassette (ou disquette hein, j’utilise l’exemple de la cassette pour appuyer l’effet dramatique, vous l’aurez compris). Le jeu reste difficile mais on y progresse si on fait montre de pugnacité et la variété de l’expérience pousse  à persister. L’action est bien menée, et à deux joueurs, il faut bien avouer que le fun est bien présent.

Les portages Sega sur CPC, c’est du sport vous l’aurez compris, et c’est aussi l’occasion de se dire que posséder cette machine à l’époque favorisait l’imagination tant les versions des jeux mythiques qu’on y trouvait avaient parfois un rapport assez lointain avec leurs modèles plus prestigieux. Si Altered Beast est un ratage total, Golden Axe tire son épingle du jeu tandis que le valeureux Alien Storm s’en sort avec les honneurs (on n’est pas devant un chef d’œuvre non plus, attention !). L’Amstrad CPC qui était bien implanté en France n’a bien évidemment pas pu lutter contre l’invasion des consoles, et ce n’est pas la risible tentative de conquête de ce marché avec la GX4000 que ça s’arrangera, les adaptations des classiques de Sega montrent à quel point il y a un côté nanardesque à jouer sur cet antique support. Mais réjouissez-vous ! Il  existe encore une bonne grosse poignée de jeux Sega sur Amstrad, et ça serait presque un péché de ne pas s’y attarder de nouveau un de ces jours.