Aujourd’hui, nous allons aborder une époque que les plus anciens d’entre nous connaissent forcément. Nous allons replonger dans cette génération de la Saturn que je bénis, cette âge d’or où le multijoueur avait un tout autre sens qu’il n’en a aujourd’hui. En effet, actuellement il est très courant de retrouver des options « multi » sur un jeu vidéo, plus ou moins bien réussi suivant les cas. On peut penser, par exemple, au reboot de Tomb Raider dont le multi, même si bien ficelé est quand même assez anecdotique, ou encore la partie Online d’un Grand Theft Auto V qui permet de renouveler complètement l’expérience de jeu. Notre but aujourd’hui n’est pas de revenir sur l’essence même d’un bon ou d’un mauvais mode multijoueur mais plutôt de montrer ce qui se faisait sur la 32 bits de Sega, cette console qui fut si rapidement mise au placard par les joueurs US et Européens. Il faut bien avouer qu’elle était comme la Super Nintendo en son temps assez en avance sur son temps, peut être trop en avance, comme c’était souvent le cas chez SEGA.

Il existe deux sortes principales de multijoueur à cette époque : le local et les balbutiements du online.

Au niveau local, on était dans la belle époque du jeu entre amis autour de la console avec notamment bon nombre de titres jouables à deux que ce soit en « versus » (jeux de combat style Street Fighter Alpha ou Virtua Fighter, jeux de réfléxion comme Puzzle Bobble) ou en « coopération » (shoot’em’ups, FPS, jeux d’action comme Loaded, jeux de sport…). Ce mode deux joueurs, était mis en avant soit sur le même écran soit carrément sur ce que l’on appelle de l’écran « splitté » à savoir partagé en deux pour permettre à chacun d’avoir sa vision du jeu. Comme c’était déjà le cas du temps de la NES ou avant ça même de la PC Engine, des titres ont été développés avec la possibilité de jouer à plus de deux simultanément au moyen d’un décupleur de ports manettes appelé « multitap ». Il existe deux sortes d’accessoires officiels dans ce genre : l’officiel de Sega et celui dédié à une saga très connue de Hudson.

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On trouve sur Saturn de nombreux jeux de sport permettant ce multijoueur, allant du simple Fifa Road to World Cup 98 praticable à huit, au NFL Quarterback Club 97 à douze (avec 2 multitaps) ou encore l’un de mes préférés NBA Jam TE à 4 simultanément comme c’était le cas en arcade. Je ne vais pas tous les énumérer car cela serait vraiment peu intéressant, nous allons plutôt nous attarder sur des titres multijoueur marquants de la ludothèque.

Commençons par les plus connus et sûrement les plus adulés dès que l’on aborde le multi sur Saturn. Bien sûr la saga Bomberman avec Saturn Bomberman Fight (4 simultanément sur une représentation en 3D isométrique du plateau de jeu) ou beaucoup plus connu Saturn Bomberman et son mode battle jouable à 10 (avec 2 multitaps) sur un écran 16/9 (on était au tout début de la commercialisation de ces types de téléviseurs). Comme indiqué plus haut dans le dossier, Hudson a eu la brillante idée de sortir un accessoire dédié avec des manettes aux formes du Bomberman, bref, des références majeures sur Saturn. Le concept est très simple, je ne ferai pas l’affront d’en rediscuter ici mais sachez que tout y est poussé à son paroxysme avec un mode Battle pensé dans les moindres détails et options de jeu.

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Autre titre marquant le bien aimé Guardian Heroes avec son mode arène à 6 joueurs simultanés, où il vous sera possible de faire affronter tous les personnages rencontrés dans le jeu dans un mode particulièrement rempli d’action. Une très bonne alternative à l’histoire principale et malheureusement trop peu mise en avant malgré son originalité. Dans le domaine du beat’em’all, on peut noter également la présence du mode trois joueurs de Three Dirty Dwarves, chose assez peu commune dans ce genre sauf sur bornes d’arcade.

Enfin le dernier titre qui m’a marqué (peut être parce que j’y ai pas mal joué quand je l’ai découvert) Street Racer Extra et son mode jusqu’à huit joueurs simultanément. Mieux vaut avoir comme pour Saturn Bomberman un écran de très grande taille car on se retrouve sur de l’écran splitté en huit pour que chacun puisse suivre son personnage. Street Racer est un mario-kart like dans son état d’esprit, après il faut bien admettre qu’il est loin du maître en la matière mais au moins ce type de jeu a le mérite d’exister sur Saturn.

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Récemment, je me suis penché sur une autre possibilité offerte par la Saturn à savoir ce que l’on appelle le « Direct Link » ou « System Link » un peu à la manière de brancher des PCs en LAN (au bon vieux temps des premiers jeux de stratégie de Blizzard comme Warcraft ou Starcraft) grâce à un accessoire appelé « Taisen Cable » au Japon et référencé HSS-0107. Ce n’est pas une innovation Saturn car c’était déjà le cas sur les portables comme la Game Boy ou la Game Gear, la Megadrive eut également ses quelques titres jouables en link. L’objectif est ici de rassembler deux consoles, deux téléviseurs, un câble link et évidemment les jeux compatibles (je n’ai pu tester que les jeux d’origine japonaise). Malheureusement, la liste n’est pas énorme mais quelques valeurs sûres sont tout de même disponibles et permettent de retranscrire le fun présent lors de session en arcade sur des machines branchées ensemble ou bien alors se rapprocher de l’ambiance des LAN propre aux PCistes. D’ailleurs, je pense qu’il serait bon que plusieurs organisateurs de conventions RetroGaming se penchent sur cette question pour de futurs salons.

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Sur les machines japonaises, seulement six titres que j’ai pu tester sont compatibles donc exit les Virtual On, Wipeout (bien qu’au départ cette fonctionnalité était prévue) ou autres Sega Rally qui n’acceptent pas le jeu en link. Par contre, la version Circuit Edition de Daytona USA a cette option et permet de jouer à deux sans diviser l’écran et offre donc un certain confort de jeu. Eu égard au genre, on assiste uniquement à du « versus » mais c’est un vrai régal de pouvoir se retrouver en situation identique aux salles d’arcade avec les bonnes vieilles bornes branchées en « twin ».

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D’autres jeux de moins grande renommée, ont eu cette option avec par exemple Hyper Reverthion et sa suite Steeldom (un Virtual On like beaucoup plus light que la référence), Gebockers (encore un clône de Virtual On mais plutôt mauvais) ou encore la simulation de mechas Gungriffon II. Ces trois derniers titres ont d’ailleurs été édités sous format CD simple, mais également en coffret incluant le jeu et le câble link en question.

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Ensuite, l’un des jeux les plus marquants (avec Daytona USA CE) pour cette sorte de multijoueur est un grand standard du PC, le FPS d’ID Software : Doom. On y aperçoit dès la notice du jeu les explications relatives à la configuration de ce mode. Les modes de jeu qui ont été développés dans ce sens sont des classiques du genre à savoir le Deathmatch ou alors des missions en coopération. Malheureusement, cette version étant un simple portage de la version PS1, elle souffre de nombreux ralentissements.

Enfin, Hexen, un ersatz de Doom a également été développé dans ce sens mais malheureusement ce mode n’est disponible qu’au travers un mode debug en activant certains cheat codes.

Au final, peu de jeux ont véritablement été programmés pour cet accessoire, je pense que Sega aurait vraiment dû s’entêter à sortir ses titres « Arcade » comme Sega Rally, Sega Touring Car, Virtual On, Decathlete, des titres dont le gameplay se fond véritablement dans ce mode multijoueur… Par contre, la plupart de ceux ci ont eu le droit à des versions jouables en ligne avec les modems propres à chaque régions (US et Japon uniquement malheureusement).

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Ecran d’accueil du Planet Web : le navigateur internet de la Saturn

Passons maintenant à la dernière partie de ce dossier et le jeu en ligne. Ce n’est pas non plus une innovation à cette époque car le système existait déjà auparavant (par exemple la Super Famicom). Deux accessoires ont été développés : le premier pour le marché japonais et le second destiné au marché américain. En Europe, il n’y qu’un test (non concluant) effectué en Finlande avec le modem américain. Malheureusement, aujourd’hui impossible pour nous (Européens) d’utiliser ces systèmes, il me semble que le modèle US est toujours fonctionnel sur le sol américain mais nécessite du « Direct Call » pour fonctionner, je ne connais pas assez bien le réseau téléphonique US pour confirmer ou infirmer son fonctionnement.

Le modem Japonais est sorti le 27 juillet 1996 et a été décliné en deux versions, la première comprenait le modem 14.4K (à insérer dans le port cartouche) utilisant la technologie XBAND, le logiciel Internet vol.1, Pad Nifty et Virtua Fighter Remix (dans une version propre non vendue en dehors du pack avec le modem). La deuxième version était identique hormis le logiciel Internet vol.2 et en plus était fournie une version Seganet de Decathlete.

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Tous les jeux compatibles avec ce modem portent la mention « SegaSaturn Networks », sur console japonaise ils sont au nombre de 12 avec des must have de la machine comme : Daytona USA CE (déjà compatible Link), Decathlete, Virtual On, Puyo Puyo Sun, Puzzle Bobble 3, Saturn Bomberman, Sega Rally Championship Plus (+ version Satakore), Sega Worldwide Soccer 98, Shadows of the Tusk et Virtua Fighter Remix (+ tous les utilitaires comme navigateurs ou jeux fournis avec des accessoires comme Habitat II ou Pad Nifty…). Ils ont vraiment eu de quoi s’amuser en ligne nos amis nippons.

Il faut savoir qu’il y avait une place dans le modem pour y insérer des « Saturn Media Cards » contenant des crédits et permettant donc aux joueurs de payer leurs parties en ligne un peu à la manière des fonds que l’on insère dans la borne d’arcade. Chaque carte coûtait 2000 yens et chaque crédit revenait à environ 20 yens.

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Aux Etats-Unis, le NetLink avait plusieurs fonctions comme l’accès internet, la gestion des e-mails ou encore le jeu en ligne. C’est le précurseur de la plateforme utilisée par la suite sur la Dreamcast mais avec un modem cette fois ci intégrée à la machine. Le modem était plus rapide que celui fourni au Japon avec une vitesse proche de ce qui se faisait à cette époque sur les ordinateurs à savoir 28K. Plusieurs produits sont également sortis dans la gamme NetLink comme le clavier ou la souris. Niveau prix il fallait compter 199$ pour se l’offrir en 1996 lors de sa sortie (400$ en bundle avec la console). Sega a d’ailleurs été le premier constructeur à autoriser (sur ce marché) les utilisateurs à se servir de leur propre fournisseur d’accès à Internet…

Du côté des jeux, Sega avait décidé de taper dans la crème de ce qui pouvait se faire en matière de multijoueur sans pour autant prendre de risque par rapport aux jeux déjà sortis sur le sol nippon : Daytona USA CCE Netlink Edition, Duke Nukem 3D, Saturn Bomberman, Sega Rally Championship et Virtual On. Sega a finalement vendu à peine 25000 NetLinks sur une cible fixée à 100 000 unités et mis rapidement fin à l’expérience, certainement dû également aux difficultés rencontrées par le groupe face à sa principale rivale.

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En conclusion, on peut voir avec notre oeil de 2015 que l’aspect multijoueur a grandement évolué dans la mentalité des joueurs mais aussi dans l’esprit des développeurs, occupant une part toujours plus importante dans les nouvelles générations de console. D’une part, on peut se dire qu’avec l’évolution d’internet et du haut débit, on allait clairement assister à un développement massif de ce mode multijoueur aux dépens des modes classiques en local. Il y a des avantages et des inconvénients dans chaque mode, par exemple pouvoir jouer avec des amis à l’autre bout du pays voire du monde… mais cela enlève quand même le charme de ces parties endiablées de Bomberman ou NBA Jam avec les amis à côté où la bonne humeur mais aussi la mauvaise foi était de rigueur !