C’est un petit coup de tonnerre qui vient d’être révélé par le site MCV. En effet, un long article intitulé « A tale of Two E3s – Xbox VS Sony VS SEGA revient sur des phases marquantes du célèbre salon mondial du jeu vidéo. On suit ainsi la trace de deux pontes des années 90. D’un côté, Tom Kalinske, que les fans de SEGA connaissent très bien, puisqu’il s’agit de l’ancien boss de SEGA of America. De l’autre, Steve Race, celui chargé d’introduire la PlayStation sur le marché de l’époque. Si l’E3 est devenu un rendez-vous incontournable pour les professionnels du jeu vidéo et les joueurs, il n’a pourtant existé qu’a partir de 1995. Auparavant, il y avait un autre salon appelé le CES (Consumer Electronic Show).
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En faisant passer SEGA US de 70 millions de dollars à plus d’un milliard et demi en trois ans, autant dire que Tom Kalinske a vite montré ses compétences. Mais il était dégoûté et en colère de voir le traitement réservé à notre média favori. Dès 1992, SEGA a lancé son propre salon. L’année suivante, ils ont même invité Nintendo à les rejoindre pour montrer leurs propres jeux, mais la concurrence était telle que la firme de Kyoto a décliné l’offre.
Une console SEGA-Sony ?
La guerre sempiternelle entre SEGA US et Japon
Mais la bombe lâchée par Kalinske, c’est que lui et des pontes de Sony Europe et US sont allés au Japon pour rencontrer Ken Kutaragi, le futur créateur de la PlayStation. A cette époque, Kutaragi-san leur a expliqué qu’il était temps d’unir leurs différentes forces pour créer un système capable de supplanter tout le monde : le « Sega Sony Hardware System ». Manque de chance, l’intransigeant boss de SEGA Japon, Hayao Nakayama, a balayé cette possibilité d’un revers de la main. La suite de l’histoire, on la connaît… De toute façon, ça a toujours été un bordel sans nom entre SEGA of America et SEGA Corporation. Tom Kalinske s’est heurté très souvent à la hargne de Nakayama-san, comme lors de cet épisode où l’américain explique au japonais qu’il faut vendre la Mega Drive avec Sonic pour espérer supplanter Nintendo. Là, colère du boss de SEGA Japon qui a hurlé, a jeté sa chaise en disant « si vous croyez que c’est ce qu’il faut pour vaincre Nintendo, alors faites-le » et il a claqué la porte. Les relations étaient (souvent ?) parfois tendues entre le SEGA de l’occident et celui du Japon. Hayao Nakayama a toujours voulu garder le contrôle, mais il a finalement commis pas mal d’erreurs. Le protectionnisme nippon, ça n’a pas que du bon. Qui sait ce qu’il se serait passé si SEGA avait dit oui à Sony ? Kalinske a tenté de repousser le lancement de la Saturn pour proposer un line-up plus conséquent, mais en vain… Il faut savoir que SEGA a fait un coup monstrueux en 1995 en annonçant que la Saturn était disponible tout de suite dans les magasins américains. Un peu comme si Microsoft avait annoncé que la Xbox One était disponible dès la fin de la conférence. Malheureusement, cela n’a suffit pour ébranler Sony. Dans la foulée, Tom Kalinske, exaspéré par ces divergences d’opinions entre les branches US et japonaises, a quitté l’entreprise.
Un chipset N64 sur Saturn ?
L’article de MCV nous apprend encore de belles choses. Ainsi, la SEGA Saturn aurait pu être équipée par… un chipset Silicon Graphics. Mais là encore, le Japon a reculé… et le chipset en question s’est retrouvé dans la Nintendo 64. Ce qui signifie que la Saturn aurait être bien plus puissante que la PlayStation. Mais rien à faire, SEGA of Corporation refusait tout et n’importe quoi. En agissant de la sorte, SEGA a perdu de précieux alliés, dont Steve Race qui n’était autre que le bras droit de Tom Kalinske. Lui aussi est parti et il s’est retrouvé chez Sony pour lancer la PlayStation. Seulement voilà, Steve Race était au courant de tout ce qui se tramait chez SEGA. En tant qu’ancien employé, il a pu guider sa nouvelle firme. Il l’explique aujourd’hui avec du recul en disant que le produit (comprenez par là la Saturn) était bâclé et qu’il n’aimait pas cette machine. Pire, il estime que le coeur et l’âme de SEGA ne se cachait pas derrière la Saturn. Comment lui donner tort, quand on sait que l’architecture de la console a été modifiée au tout dernier moment pour exploiter la 3D ? Même Tom Kalinske, qui est parti en 1996 de chez SEGA, se souvient avoir sérieusement déchanté en apprenant le prix de la PlayStation : 299 $, alors que la Saturn était bien plus chère.
Et pour en savoir encore plus sur les petites vacheries que se faisaient SEGA, Nintendo et Sony (Sony qui dégonfle la baudruche Sonic du stand SEGA, SEGA qui balance des flyers Saturn sous la porte des revendeurs de jeux vidéo, la nuit avant la keynote Nintendo, etc.), voici le lien de MCV UK à suivre et à lire.
Je précise également que l’ouvrage L’Histoire de Sonic, dont je suis le co-auteur, révèle beaucoup d’éléments sur Tom Kalinske et les difficultés de communication entre SEGA of America et la maison-mère au Japon. Dans la même veine, la Revolution PlayStation revient en détail sur le fameux prix de la console grise de Sony et la tension que ça a créé entre les différentes branches de la marque nippone. Ces deux ouvrages sont disponibles aux Éditions Pix’n Love.
17 mai 2016 at 13:43
Article très intéressant, merci Régis.
Je dois dire que la philosophie du jeu-vidéo de Sega et Sony me semble tellement éloignée que je ne vois pas comment un tel rapprochement aurait été possible !