– Article initialement rédigé par Molokh –

Okano Tetsu est un créateur pour le moins atypique. Contrairement à d’autres figures de chez SEGA, et même s’il a toujours été fidèle à la marque et ses associés, il n’abandonne pas ses activités amateurs et cultive un certain sens de l’humour et de l’auto-dérision. Tel un docteur Jekyll, il cache une part d’obscurité et cultive un certain sens de l’humour, entre absurdité et sarcasme avec pour couronner le tout une bonne louche de culture Otaku.
Au programme de cette biographie : rétrospective sur sa carrière et présentation de ses créations.

Docteur Okano et M. Zolgé

Tetsu Okano est quelqu’un de versatile : tour à tour mangaka à l’humour parfois assez noir, illustrateur, game designer ou scénariste de jeux vidéo, il ne cache pas son intérêt pour les shmups. Pas étonnant donc que sa « gamographie » soit aussi variée (voir ci-dessous).
C’est à l’université qu’il fait ses débuts dans le monde du jeu vidéo en amateur avec un outil de programmation de shmups dédié au MSX. Sa première création aura le droit à un article dans le MSX Magazine au Japon. On note aussi sa participation, lors d’une petit boulot que ne dura qu’un mois, à la création d’un jeu appétissant au doux nom de « Shitai no Okiba de Yuushoku wo » (Dîner dans le dépôt à cadavre) sur MSX2.
En 1990, alors qu’il est encore à l’université, il remporte un prix pour un manga de sa création et il sera ensuite publié dans le supplément Morning Party de l’hebdomadaire Morning. Mais en 1992 à la suite d’un différent avec l’équipe éditoriale sur un problème de censure il abandonne son poste.
Plus tard il entre chez SEGA et intègre le studio AM3 pour lequel il participera au développement de jeux d’arcade, notamment Dragon Ball V.R.V.S en 1994. En parallèle il poursuit son activité de mangaka mais aussi de critique de jeux vidéo dans des clubs d’amateurs. Il crée ainsi divers Dojinshi sur le retrogaming.
C’est en 2000, avec la séparation des studios de développement de SEGA qu’il intégrera Hitmaker (ex-AM3) pour sortir son premier jeu sur console de salon : Segagaga (2001).
A cette occasion il se présente aux médias sous le nom de Ichizo Zolgé, nom avec lequel il n’arrêtera pas de jouer pour s’appeler tantôt Zolgé, Ichizo Zolgé ou Tetsu Zolgé.
Même s’il est très actif dans le monde du dojin, il continue de travailler pour Sega, et fidèle à ses premières amours il alternera entre productions en relation avec les mangas (Astro Boy, Black Jack) et shmups/jeu d’action (nouvel épisode de Gunstar Heroes sur GBA en collaboration avec Treasure et récemment Thunder Force VI). N’oublions pas l’O.V.N.I du lot : un jeu de golf à l’aspect réaliste mais agrémenté d’effets très mangas (balles qui se déforment et s’enflamment etc…). Malheureusement l’accueil par le public de ses suites de grandes licences, comme Gunstar Heroes et Thunder Force VI, n’a pas été à la hauteur de sa prise de risque. Certains fans absolus de ces séries n’hésitent pas à l’attaquer par pages personnelles interposées pour lui faire savoir tout le bien qu’ils pensent de ses créations et de sa façon de revisiter leurs jeux favoris, appelant ses créations des kusoge (jeux de merde).
En 2009 il écrit un roman publié sous forme d’épisode sur le site japonais Game Bridge, un site dont il est à l’origine. Il y raconte l’histoire d’une collégienne qui se retrouve téléportée dans un monde imaginaire à la suite de l’ingurgitation d’une langouste extra-terrestre et de vin.
Fan de retrogaming et jamais à cours de projets, il publie la même année un manga intitulé « Chronique des années 8bits » racontant les aventures d’un écolier de l’ère 8bits (Fin des années 70, milieu des années 80). Au programme : les Game Center, Space Invader, Galaxian, Xevious et tout ce qui faisait le charme de cette époque.

Gamographie :

Je sais c’est bien beau de parler de romans et de mangas qui ne verront peut-être jamais le jour en France dans la langue de Molière (qui doit déjà avoir la bouche bien pleine, le pauvre), alors entrons enfin dans le vif du sujet avec LES JEUX ! Rassurez-vous il y en aura pour tous les goûts. Le bon point de la « gamographie » d’Okano c’est que finalement les RPGs sont rares. Pas de prise de tête avec les kanjis et de séance de jeu masochiste, Okano aime les shmups et affectionne les gameplays nerveux !
Note : comme je l’ai dit précédemment Okano a effectué quelques travaux pour certains studios avant d’entrer chez SEGA, mais sa participation sur ces projets tenant de l’anecdote, je n’ai pas jugé nécessaire d’en donner le détail. L’image et la carrière d’Okano sont intimement liées à SEGA et son activité en tant que game designer n’a vraiment commencée qu’avec son entrée dans la firme au hérisson bleu.


Dragon Ball Z V.R.V.S

Dragon Ball Z V.R.V.S

Date de parution : 1994
Système : Arcade
Studio de développement : AM3
Editeur : SEGA

Jeu de baston dans l’univers de Dragon Ball Z, il se démarque par sa vue à la troisième personne et ses super attaques qui demandent une rapidité et une force d’exécution hors du commun : il faut pour certaines faire 8 à 10 « 360° » avec le stick ! Zangief peut aller se rhabiller !


SegagagaSegagaga

Date de parution : 2001
Système : Dreamcast
Studio de développement : Hitmaker
Editeur : SEGA

« Sauver SEGA de la faillite en trustant les parts de marchés ». Véritable hommage à SEGA, il a commencé à travailler sur ce projet au moment où la firme ne parlait pas encore d’arrêter la production de Dreamcast. Le hasard a voulu que la réalité se rapproche de la fiction alors que le projet entrait dans sa phase finale : il n’en fallait pas plus pour en faire un jeu culte pour les SEGA fans.
Humour et passion pour les jeux SEGA sont les principaux ingrédients de cette production au carrefour de l’amateurisme et du professionnalisme.


Astro Boy/Tetsuwan Atomu « Atom Heart no Himitsu »Astro Boy/Tetsuwan Atomu "Atom Heart no Himitsu"
Date de parution : 2003
Système : GBA
Studio de développement : Treasure
Editeur : SEGA

Première collaboration entre Tetsu Okano et les programmeurs de chez Treasure pour un jeu dans lequel il s’est fait plaisir. En effet le héros n’est autre qu’Astro dessiné à l’origine par Osamu Tezuka son idole. Nous avons droit à un plateforme-shooter dans lequel Astro élimine ses ennemis à coup de poing/pied/laser. Développé suite à la production d’un nouvel anime sur Astro, Tetsu Okano, tel un fan puriste vengeur, a apporté quelques modifications au scénario par fidélité à la série de 1980 et à l’œuvre d’Osamu Tezuka.


Gunstar Superheroes

Date de parution : 2005
Système : GBA
Studio de développement : Treasure
Editeur : SEGA

Nouvel épisode reprenant le principe de Gunstar Heroes sorti sur Megadrive en 1993. Notre créateur se fait encore une fois plaisir en donnant une suite à ce titre culte « made in Treasure ». Une fois encore le joueur a le choix entre deux personnages : « Red » ou « Blue ». Mais en plus de cela le scénario prend une tournure différente en fonction du choix du personnage et de la difficulté du jeu. Malgré sa réalisation typée Treasure (action effrénée et animation fluide et nerveuse), ce titre n’a pas fait l’unanimité auprès de certains puristes.


Black Jack, « Hi no Tori Hen »Black Jack, "Hi no Tori Hen"

Date de parution : 2006
Système : DS
Editeur : SEGA

Dans la mouvance des jeux d’opération comme Tendo Dokuta ou Caduceus, Testu Okano nous offre un jeu basé sur les aventures du célèbre chirurgien, mais y intègre un autre manga, référence de son idole : « l’oiseau de feu » (œuvre inachevée de Osamu Tezuka). Ici nous avons droit à un mélange d’aventure textuelle japonaise classique et de phases d’opération utilisant les pages du manga, un genre baptisé tout naturellement « Manga Adventure ». Pour mener à bien ces opérations il vous faudra suivre des tracés au crayon avec un certain rythme, comme un jeu musical, façon « Ouendan », mais sans musique. Le rythme à adopter est symbolisé par une jauge.
Porté par son envie d’adapter un autre manga de Tezuka à la fin du développement d’Astro, le choix d’Okano s’est arrêté sur ce manga résolument sombre de l’œuvre du maître. Le principal problème fut de concevoir un jeu à partir de ce thème qu’il s’est lui-même imposé. Prévu pour une sortie simultanée au nouvel anime, le titre avait pris beaucoup trop de retard. Au final Okano s’est écarté du style graphique de l’anime et lui a préféré le style graphique de l’œuvre originale. Il a été mis en vente après la fin de la diffusion de l’anime.


« Miyazato Sankyoudai Uchikura » Sega Golf Club"Miyazato Sankyoudai Uchikura" Sega Golf Club

Date de parution : 2006
Système : PS3
Editeur : SEGA

Au Japon le golf est une institution et parmi ses stars on compte trois Miyazato, deux frères et leur sœur. SEGA les a réunis dans un jeu de golf, sorti dans les salles d’arcade puis adapté sur PS3. L’aspect réaliste des graphismes est mis en contraste avec le gameplay axé arcade et les effets lors du suivi de la balle, digne des plus grands moments d’Olive et Tom mais transposés sur un terrain de golf.


Thunder Force VIThunder Force VI

Date de parution : 2008
Système : PS2
Editeur : SEGA
Licence : Twenty-One Tecnosoft

Un mini jeu utilisant des éléments du Thunder Force VI était déjà présent dans Segagaga sous forme d’un bonus déblocable. Le développement du nouvel opus de cette série ayant été arrêté à l’annonce de la fin de la production de la Dreamcast, Okano, visiblement frustré, a fini par ressusciter le projet. Fan de shmups déçu par l’évolution du marché qui oublie son genre favori, créer Thunder Force VI était pour lui l’occasion, encore une fois, de se faire plaisir et de parler d’un genre qui tombe dans l’oubli. Belle illustration du « on est jamais mieux servi que par soi-même », même si là encore il ne fait pas l’unanimité auprès de certains puristes.


Comme nous avons pu le voir dans cette gamographie, il y a vraiment une touche Okano. En tant que créateur de jeux, il a des idées bien arrêtées sur le gameplay. En premier lieu, il cherche à tout prix à ne laisser aucun répit au joueur. Par exemple, dans Sega Golf Club il a inclus la possibilité de passer toutes les scènes où le joueur n’a rien à faire, rendant le rythme de jeu presque frénétique ! Un régal pour les impatients.
Une autre caractéristique du gameplay à la Okano est le petit plus qui accroche le hardcore gamer. Dans Segagaga, en plus des fins multiples, il a introduit une « salle des données » qui répertorie tous les éléments du jeu (cinématiques, jeux développés, images de fin, consoles créées) que vous avez débloqué ou non. Le but pour l’acharné ? Tout avoir bien sûr ! Une autre preuve, dans Thunder Force VI, chaque fois que vous finirez le jeu avec un vaisseau, un nouveau vaisseau apparaîtra avec des nouvelles options de gameplay. Enfin dans Black Jack vous pourrez recommencer chaque opération jusqu’à obtenir la note maximum.

On peut dire ce que l’on veut sur ses choix mais il faut reconnaître que la démarche de Tetsu Okano vise une certaine frange souvent oubliée de la population des joueurs, ceux qui n’ont que faire des graphismes, de l’esthétique et de la 3D mais cherchent des petits jeux nerveux qui les accrocheront du début à la fin et qu’ils recommenceront encore et encore. C’est à ça que l’on sent la grande influence de l’arcade dans sa vision du game design. Il est de ce point de vue un créateur complètement atypique et nécessaire