La dernière fois, je vous avais, sans le moindre doute, communiqué l’irrépressible envie de vous jeter sur l’Amstrad CPC le plus proche pour lancer l’un des grands classiques de Sega sur cette antique machine. Hélas tout le monde n’a pas la chance de posséder cette machine culte, c’est donc avec la plus grande abnégation, « comme le prolo va au charbon », que je délaisse ma Megadrive pour vous parler de trois nouveaux jeux Sega adaptés à l’époque sur Amstrad par des éditeurs de renom comme Elite, US Gold et Activision. Et puisque la dernière fois j’avais choisi de me focaliser sur les créations du puissant Makoto Uchida, cette fois ci, à l’heure où nous tremblons tous devant l’annonce du prochain Shenmue, c’est au tour de Monsieur Yû Suzuki de voir ses jeux convertis pour la plus grande joie des joueurs patients.
Car oui, il en fallait de la patience, je l’ai déjà relaté, mais jouer sur CPC à cassettes, c’était autre chose. On parle parfois de slowfood en réaction au développement explosif des fastfoods, et bien nous autres, enfants des années 80, nous expérimentions le slowgaming ! Charger un jeu était une expérience en soi, c’était une part de l’ambiance, on croisait les doigts, on serrait les dents, on lâchait même une discrète prière pour que le jeu se lance bel et bien ! Ah je vous entends pester contre les mises à jour intempestives ! Pourtant, là c’était à chaque fois qu’on souhaitait jouer qu’il fallait patienter, à chaque fois ! Et pour jouer à quoi hein ? Hein ?
Je me remets, pardonnez-moi, l’évocation de ses souvenirs d’un autre âge tendent à me rendre un peu trop émotif.
Cependant, je garde ma question. Pour jouer à quoi ?
Pour jouer à Space Harrier bien-sûr ! Ah Space Harrier, ce n’est pas la première fois que je vous en parle ici et je ne m’étendrai pas longtemps sur cette relation conflictuelle que j’entretiens avec ce jeu psychédélique, je ne tiens pas à me mettre le Taulier à dos une fois de plus. Donc, partons sans a priori et lançons la cassette de chez Elite qui date de 1986 tout de même (il existait aussi sur disquette bien sûr, mais j’essaie de maintenir une tension dramatique que seule la cassette permet de ressentir pleinement). A peine le temps de dire 5 pater et 6 ave maria et on est déjà en pleine Fantasy Zone à valser dans les airs avec moult ennemis sur une musique fraîche et…attendez une minute. Alors, la musique est bien là, on dirait une version (encore plus) retro du thème habituel à la façon dont on l’a adaptée, mais on la reconnaît. Elle vous accompagnera tout au long du jeu dans votre dure lutte contre les créatures fantasques qui font la renommée de ce titre. Enfin ne nous emballons pas, les images parlent d’elles même, si le héros est à peu près bien reproduit, quoique tout petit, le reste est difficile à croire tant la paresse est manifeste : à part le décor, tous les éléments mobiles sont réduits à leur simple contour ! On affronte des vaisseaux en fil de fer, des robots en fil de fer, des bosses en fil de fer tout en tentant (vainement) d’esquiver des arbres en fil de fer. On gagne en vitesse, certes, mais de toutes façons c’est si confus et même difficile à distinguer, que les arbres en fil de fer on se les prend dans la tronche aussi sûrement que s’ils étaient faits de bois massif. Et qu’on ne m’oppose pas les limites de la machine, car il a existé des clones de Space Harrier bien plus réussis sur Amstrad, comme Burning Force par exemple ou même un segment entier du brillant Savage sur le même support. Mais restons sur Space Harrier, puisque même Space Harrier II sur CPC lui aussi avait réussi le challenge de proposer des graphismes colorés, avec de vrais sprites. De la paresse, un manque de temps et une conversion faite avec des moufles, les yeux bandés. Je ne vois que ça. Rhâ ! Bon. Eject, retour à l’écran de départ et lançons plutôt un autre jeu.
La Californie, le vent dans les cheveux d’une jolie blondinette, le grondement du moteur et la musique à fond, vous y êtes ? C’est Out Run, classique des classiques de Yû Suzuki qui déboule à la vitesse d’un camion de nitroglycérine sur une route bosselée conduit par un sénateur sous calmants (oui on reste sur cassette, vous commencez à comprendre mon sens théâtral) ! Et vous allez en avoir des sensations, c’est moi qui vous le garantis. Commençons par dire que c’est US Gold qui s’y colle en 1987, mercenaire historique des adaptations Sega ou même Capcom sur Amstrad. De là presque tout est dit. Graphiquement, ce n’est pas du vol, c’est même plutôt coloré quoique vide et on reconnaît la blonde (mais a-t-elle un nom ?). Par contre, passé l’écran de titre, adios la musique, et même adios les bruitages, excepté ce qui doit être le bruit d’un dérapage mais qui ressemble plus à une série de bips assez génériques difficilement identifiables. Par ailleurs, on se demande assez vite si on a bien trouvé l’accélérateur car même si le compteur affiche plus de 200km/h on a toujours la sensation désagréable que si la Ferrari avait été verte, on se serait cru dans une simulation de machine agricole John Deere. L’impression de vitesse est totalement absente, un comble pour un jeu qui donnait une définition tout à fait acceptable du fun. Ici, le fun doit-être parti en vacances sur la côte. Malgré la réalisation correcte sans plus, on passe un moment tout à fait insipide devant ce portage plus que timide. Pas de quoi donner le grand frisson que procurait la mythique et indéboulonnable borne à la carrosserie rouge.
Bon. Craquons nos phalanges, prenons même rendez-vous chez l’ostéo, ou mieux encore partons en cure de thalasso le temps que le dernier des trois jeux que j’ai choisi pour illustrer les portages des œuvres de notre vénéré Suzuki finisse son chargement.
Instant Tom Cruise en vue, oui lecteur perspicace, on va parler du légendaire After Burner ! Cette fois ci ce sont nos bons amis d’Activision qui rendent leur copie en 1988, des habitués de la machine si l’on en croit leur version d’Altered Beast. Quand on lance le jeu, on est vite surpris, cette intro mythique, avec ces espèce de boules bleues en 3D, vous voyez, et bien on y a droit quand même sur CPC, certes de façon adaptée, mais on sent que l’effort a été fait. Sinon, on se dandinera volontiers sur la musique d’intro plutôt sympa. Une fois le jeu lancé, place à l’austérité ! C’est très fenêtré, comme souvent sur Amstrad, les graphismes sont limités à leur plus simple expression, le sol d’une couleur, le ciel d’une autre et il est assez difficile de reconnaître les ennemis. Néanmoins, on y gagne en fluidité et pour le coup, le jeu est très, très speed. Les vrilles sont là (bon la cabine à vérins est loin), on appuie avec frénésie sur le bouton du joystick une fois les engins adverses lockés, et notre F14 assez bien rendu répond au doigt et à l’œil ! On croit à un miracle. Enfin ça c’est avant le niveau 8 et ses falaises impossibles à éviter à temps et ses éléments (camps, tours, tanks…) qui apparaissent apparemment de façon totalement anarchique à l’écran. En dehors de ça, je n’ai pas honte de le dire, le fun est au rendez-vous pour qui sait faire abstraction de cette esthétique dépouillé, et on sourit même devant les petites animations entre les niveaux qui ont été conservées (quoique largement adaptées) dans cette version. Donc, s’il fallait en choisir un, After Burner serait la meilleure option.
On l’a vu, adapter des jeux d’arcade sur le support ingrat qu’était l’Amstrad CPC n’avait rien d’une balade de santé et je vous invite à réfléchir au sort des pauvres bambins de l’époque qui ne connurent que ces versions plus ou moins poussives de ces jeux mythiques. Nous vivions à une époque où tous les jeux semblaient être convertis sur tous les supports, question d’occupation du terrain sans doute, et où se fier à une jaquette était aussi suicidaire que courant quand on choisissait son nouveau jeu. Yû Suzuki et tout son génie n’ont pas échappé à cette règle inflexible, et si le courage vous dit, je vous invite cordialement à tester ces adaptations, ou les autres, (car ces trois jeux ne sont pas les seuls qui ont eu droit à leur version CPC, on verra peut-être plus tard) simplement pour l’intérêt anecdotique de la chose, et surtout, surtout, si vous avez toujours rêvé de rouler à tombeau ouvert dans un tracteur, votre belle fermière (ou votre beau fermier, voyons) à vos côtés sous le ciel de Californie, ou de Picardie.
13 mars 2017 at 09:04
Encore un superbe article du Reverend. Tu me parles d’une époque que je n’ai pas connu car ce micro ordinateur est sortie avant ma naissance (comment dire gentillement aux gens qu’ils sont vieux de manière subtile :D). L’avantage, c’est que tu lancer la K7 en rentrant de l’école et le temps que sa charge, tu avais le temps de faire tes devoirs, mettre la table et prendre un bain.
Après c’est une autre époque mais qui devait être vraiment sympa si on retire les fringues et les coupe de cheveux.
13 mars 2017 at 17:09
Merci Machintruc ! (enfin pas pour les insinuations subtiles sur l’âge des gens). Bon, en réalité il y en avait pour 1/4 d’heure en général, voire quand même 3/4 pour le jeu Star Wars. C’était un peu le far-west cette époque, tout était à conquérir !
14 mars 2017 at 20:53
Excellent retour tu m’as rappelé des souvenirs douloureux sur Space harrier, la douleur était moins forte pour moi qui etait équipe de la rolls Royce 6128.
Faut vraiment que je montre au fiston qui va encore me sortir c’est nul dis moi pas que tu jouais à ça on dirait arrivait une bouillie de pixels même pas bien colorés
14 mars 2017 at 21:46
6128, la classe ultime ! Merci pour ton retour, et non, il ne faut jamais hésiter à confronter les jeunes à ce qui faisait notre quotidien.